Cuisiner l'enfance de l'Art
Je me souviens avec délices de l'extrême plaisir – et de l'excitation – que me procurait, le dimanche matin de Pâques, la chasse aux œufs en chocolat dans le jardin familial. Les papiers brillants, l'herbe mouillée, les surprises, la course, la jubilation, le partage des trésors, et, sans doute aussi quelque part, l'idée qu'il en « restait d'autres », que tout n'avait pas été découvert.
Le reste nous a en partie été donné par la suite, à ma sœur et à moi, tout au long des années d'enfance et d'adolescence : amour, livres d'art, peinture, liberté, tournées de théâtre, musique, exigence, voyages, restaurants.
La jubilation – c'est à la fois très injuste et très précieux – la jubilation ne se partage pas, c'est au contraire un plaisir très solitaire qui se cultive, s'organise, se prépare. C'est un instant magique, un déclic, c'est à la seconde près. Ça se travaille et ça se déguste. J'allais dire : ça se cuisine et ça se savoure.
Photographier est pour moi une entreprise qui a directement à voir avec la jubilation. C'est le fameux jardin de Pâques, où tout ce que je suis, mes souvenirs heureux, mon amour de l'art et de la peinture, mon attente du monde et mes savoir-faire, tout cela se tend vers l'instant magique, le déclic. L'image se partage ensuite, mais pas le déclic. C'est très injuste, je sais, mais c'est ô combien précieux.
Je ne cours plus pieds nus dans le jardin familial avec mon petit panier. Je sors mon appareil de mon sac de photographe. Je n'ai rien trouver de mieux à faire pour continuer à jubiler.
Ces deux séries d'images, que j'ai eu la chance de présenter au Festival International de la Photographie Culinaire (FIPC), sont un hommage aux peintres et sculpteurs qui ont bercé mon enfance (Renoir, Chagall, Rodin, Calder, Monet, Millet) ainsi qu'aux chefs qui m'ont marqué par leur démarche et leur audace.